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And Our Faces, My Heart, Brief As Photos, John Berger
My heart born naked
was swaddled in lullabies.
Later alone it wore
poems for clothes.
Like a shirt
I carried on my back
the poetry I had read.
So I lived for half a century
until wordlessly we met.
From my shirt on the back of the chair
I learn tonight
how many years
of learning by heart
I waited for you.
Mis Libros, Jorge Luis Borges
Mis libros
Mis libros (que no saben que yo existo)
son tan parte de mí como este rostro
de sienes grises y de grises ojos
que vanamente busco en los cristales
y que recorro con la mano cóncava.
No sin alguna lógica amargura
pienso que las palabras esenciales
que me expresan están en esas hojas
que no saben quién soy, no en las que he escrito.
Mejor así. Las voces de los muertos
me dirán para siempre.
My books
My books (which do not know that I exist)
are as much part of me as is this face,
the temples gone to grey and the eyes grey,
the face I vainly look for in the mirror,
tracing its outline with a concave hand.
Not without understandable bitterness,
I feel now that the quintessential words
expressing me are in those very pages
which do not know me, not in those I have written.
It is better so. The voices of the dead
will speak to me for ever.
(The Gold of the Tigers, Selected Later Poems, translated by Alastair Reid, in Jorge Luis Borges : The Book of Sand, Penguin, 1979)
Earth's Answer, William Blake
Earth rais’d up her head,
From the darkness dread & drear.
Her light fled:
Stony dread!
And her locks cover’d with grey despair.
Prison’d on watry shore
Starry Jealousy does keep my den
Cold and hoar
Weeping o’er
I hear the Father of the ancient men
Selfish father of men
Cruel, jealous, selfish fear
Can delight
Chain’d in night
The virgins of youth and morning bear.
Does spring hide its joy
When buds and blossoms grow?
Does the sower?
Sow by night?
Or the plowman in darkness plow?
Break this heavy chain,
That does freeze my bones around
Selfish! vain!
Eternal bane!
That free Love with bondage bound.
Les Passantes, Antoine Pol
Je veux dédier ce poème
 À toutes les femmes qu’on aime
 Pendant quelques instants secrets
 À celles qu’on connaît à peine
 Qu’un destin différent entraîne
 Et qu’on ne retrouve jamais
 À celle qu’on voit apparaître
 Une seconde à sa fenêtre
 Et qui, preste, s’évanouit
 Mais dont la svelte silhouette
 Est si gracieuse et fluette
 Qu’on en demeure épanoui
 À la compagne de voyage
 Dont les yeux, charmant paysage
 Font paraître court le chemin
 Qu’on est seul, peut-être, à comprendre
 Et qu’on laisse pourtant descendre
 Sans avoir effleuré sa main
 À la fine et souple valseuse
 Qui vous sembla triste et nerveuse
 Par une nuit de carnaval
 Qui voulut rester inconnue
 Et qui n’est jamais revenue
 Tournoyer dans un autre bal
 À celles qui sont déjà prises
 Et qui, vivant des heures grises
 Près d’un être trop différent
 Vous ont, inutile folie,
 Laissé voir la mélancolie
 D’un avenir désespérant
 À ces timides amoureuses
 Qui restèrent silencieuses
 Et portent encor votre deuil
 À celles qui s’en sont allées
 Loin de vous, tristes esseulées
 Victimes d’un stupide orgueil
 Chères images aperçues
 Espérances d’un jour déçues
 Vous serez dans l’oubli demain
 Pour peu que le bonheur survienne
 Il est rare qu’on se souvienne
 Des épisodes du chemin
 Mais si l’on a manqué sa vie
 On songe avec un peu d’envie
 À tous ces bonheurs entrevus
 Aux baisers qu’on n’osa pas prendre
 Aux cœurs qui doivent vous attendre
 Aux yeux qu’on n’a jamais revus
 Alors, aux soirs de lassitude
 Tout en peuplant sa solitude
 Des fantômes du souvenir
 On pleure les lèvres absentes
 De toutes ces belles passantes
 Que l’on n’a pas su retenir
 
			
			